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« Pas d’utérus, pas de règles » : l’appropriation menstruelle en débat

Les femmes tans peuvent elles avoir leurs regles

« Pas d’utérus, pas de règles » : l’appropriation menstruelle en débat

Certaines femmes trans affirment ressentir les douleurs des règles. Cette revendication, relancée tambour battant ces derniers jours, suscite une vague d’indignation. Pour nombre de femmes biologiques, cette affirmation franchit une ligne : celle de l’appropriation d’une expérience concrète, douloureuse, et inaliénable.

« Certaines vous sonnez comme le dernier des incel bien red pill à nous expliquer comment votre capacité à pisser du sang et porter un fœtus est ce qui vous rend légitime dans votre féminité. »

Il y a quelques jours, ce tweet, parmi d’autres, a mis le feu aux poudres. Mais derrière ce vacarme se dessine un malaise plus profond : peut-on tout définir par le ressenti, jusqu’à prétendre vivre des règles sans utérus ?

Pour des milliers de femmes biologiques, cette revendication franchit une limite : celle de l’effacement d’un vécu corporel lourd, parfois invalidant, trop souvent nié ou minimisé dans l’histoire. L’endométriose, maladie gynécologique qui touche une femme sur dix en France, cause des douleurs comparables à des coliques néphrétiques selon l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Et ce n’est pas un ressenti, c’est un diagnostic.

Beaucoup se disent épuisées, à juste titre, de voir leur propre douleur réécrite par d’autres au nom de l’inclusivité. Car ce que ces militantes trans revendiquent, ce sont les symptômes … sans les organes. JK Rowling, dès 2020, avait anticipé cette tension : « Je refuse de m’incliner devant un mouvement qui cherche à éroder le mot ‘femme’ en tant que classe politique et biologique ». Elle l’a payé très cher.

Une réalité hormonale… mais pas menstruelle

Dans la réalité médicale, les règles désignent un phénomène bien précis : l’évacuation cyclique de la muqueuse utérine, en l’absence de fécondation. Ce mécanisme implique un utérus, des ovaires, un axe hormonal naturel. Les femmes trans prennent des œstrogènes de synthèse, qui peuvent provoquer des effets secondaires, parfois comparables à ceux du syndrome prémenstruel (SPM) : douleurs abdominales, gonflements, irritabilité. 

Mais ces symptômes n’ont rien à voir avec une menstruation. Aucune perte sanguine, aucune desquamation d’endomètre, aucun cycle endogène. C’est un effet pharmacologique. Assimiler une crampe abdominale hormonale à une crise d’endométriose revient à confondre une simulation et un traumatisme. Les concernées s’en indignent. @pisasol ironise : « Je veux bien leur filer mon endométriose et mon adénomyose histoire de bien s’imprégner du truc. »

https://twitter.com/dbs_sv/status/1944127716032491937

Sacré féminin ou discours réactionnaire ?

Mais les critiques se retournent parfois contre les femmes elles-mêmes. Le militant queer @KiwiLePunk dénonce :

https://twitter.com/KiwiLePunk/status/1944328634631626999

Le terme « sacré » n’est pas anodin. Dans certains cercles transactivistes, les féministes dites « TERFs » — acronyme de Trans-Exclusionary Radical Feminists (féministes radicales excluant les personnes trans) — sont taxées d’essentialisme et même de complicité avec les discours misogynes les plus rétrogrades. @Manmandilo accuse ainsi :

https://twitter.com/Manmandilo/status/1944415941460140432

Une inversion des rôles qui agace jusqu’à certaines féministes trans-inclusives. Elles alertent : la reconnaissance du ressenti ne justifie pas la négation d’une réalité biologique. Mais exprimer ce désaccord devient de plus en plus risqué. Sur X, des militantes féministes ont été exclues de groupes trans-inclusifs pour avoir simplement nuancé l’idée que les femmes trans puissent « avoir leurs règles ».

Certaines figures transactivistes emploient des propos d’une extrême violence. La militante trans connue sous le pseudo « Banshee » a publiquement déclaré à une féministe agressée sexuellement par une personne trans : « Je suis contente que tu te sois fait agresser, petite salope. Tu méritais. »

Autre délicatesse du même compte :

https://twitter.com/beautyartistik/status/1944839239947911560

Consentement, VIH et terrain glissant

La tension monte encore d’un cran avec une autre controverse : celle du statut VIH. Certaines femmes trans affirment ne pas devoir informer leurs partenaires de leur statut sérologique VIH s’il est « indétectable », ni préciser qu’elles n’ont pas subi d’opération. Le tout, au nom de leur sécurité et de la peur de la stigmatisation.

Des voix s’élèvent :

https://twitter.com/alex_teryer/status/1944239864343367851
https://twitter.com/Sa_11_h99/status/1944887036780921188
https://twitter.com/Sa_11_h99/status/1945057970728972545

Juridiquement, en France, le non-signalement du VIH n’est pas un délit en soi s’il n’y a ni transmission ni mise en danger avérée. Mais moralement, cela pose la question du consentement libre et éclairé, que le droit sexuel considère comme fondamental. Peut-on considérer que le « ressenti de sécurité » de l’un prime sur la liberté sexuelle de l’autre ? Ne pas dire qu’on est porteur du VIH ou non-opéré, ce n’est pas seulement une omission. C’est peut-être priver l’autre de son droit à choisir.

Ces propos ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans une radicalisation inquiétante d’une frange militante qui rejette toute forme de désaccord comme une trahison ou une violence. Entre ces deux visions, le dialogue devient de plus en plus difficile. Rappeler que les règles nécessitent un utérus est désormais considéré, dans certains cercles, comme une marque d’hostilité.

Dorine Vaudron

SOURCES : 

https://www.marianne.net/societe/entre-terf-et-transactivistes-feministes-et-militants-lgbt-se-dechirent-sur-la-question

https://www.philomag.com/articles/trans-contre-feministes-radicales-la-nouvelle-fracture

https://www.inserm.fr/actualite/sante-des-personnes-transgenres-un-parcours-de-soins-a-ameliorer/?utm_

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