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Marche des fiertés : le collectif Eros défiera-t-il l’Inter-LGBT ?

Marche des fiertés : le collectif Eros défiera-t-il l’Inter-LGBT ?

Un collectif « gay patriote » souhaite défiler samedi à la Marche des fiertés à Paris. L’Inter-LGBT, organisatrice, s’y oppose. La préfecture a autorisé leur présence en marge du cortège. Une situation inédite qui cristallise les tensions autour de l’homosexualité de droite.

Une autorisation à la marge, des crispations au centre

Depuis le 11 juin, une information circule sur les réseaux : le collectif Eros, qui se revendique « gay patriote », aurait obtenu l’accord de la préfecture de police pour se rendre visible lors de la Marche des fiertés parisienne, prévue ce samedi. Il ne s’agira pas d’un char intégré à la parade, mais d’un « point fixe », surveillé par une cinquantaine de forces de l’ordre, situé à proximité du parcours. Une première.

Créé en 2024 par Yohan Pawer, ancien suppléant Reconquête de 2022 à 2024, le collectif dénonce « l’emprise de la gauche radicale sur la cause LGBT ». Sur X, ses publications brocardent la « cancel culture », les « drapeaux trans » et la « haine de la France ». Mais Pawer insiste : « On n’est pas là pour provoquer, on vient en pacifistes. » Il revendique une homosexualité « enracinée, assumée, et libre d’esprit communautaire ».

Selon lui, l’autorisation préfectorale a été obtenue via un contact avec un conseiller du ministère de l’Intérieur, avec l’appui de Bruno Retailleau. « C’est une marche publique, pas une fête privée queer. On ne demande pas la permission à l’Inter-LGBT pour exister. »

L’affaire de l’affiche, révélatrice d’un climat de polarisation

Cette querelle intervient alors même que l’édition 2025 de la Marche fait déjà polémique. En cause : l’affiche officielle de l’événement, dévoilée en début de mois. Le visuel met en scène des manifestants LGBT+, dont une femme voilée, un badge pro-palestinien, un triangle rose et un homme KO orné d’une croix celtique — symbole repris par l’extrême droite. Son mot d’ordre : « Contre l’internationale réactionnaire ».

Très vite, les critiques fusent. La région Île-de-France coupe sa subvention, la RATP rompt son partenariat. Valérie Pécresse y voit une incitation à la violence. Des associations LGBT+ comme FLAG! ou Beit Haverim parlent de maladresse et s’en désolidarisent. Le RN dénonce une « marche de haine antifrançaise ».

L’Inter-LGBT dénonce, elle, des « contresens grossiers ». Elle rappelle que les couleurs du sac visible sur l’affiche (rouge, vert, blanc) ne renvoient pas qu’à la Palestine, mais aussi à la Hongrie ou à la Bulgarie, où les prides sont menacées. Les critiques sont selon elle « le signe d’une tentative politique d’étouffer les revendications militantes sous couvert de respectabilité ».

SOS Homophobie, dans un communiqué publié dimanche, dénonce à son tour un « déferlement de haine orchestré par la droite et l’extrême droite ». Et d’ajouter : « C’est précisément au moment où les personnes LGBTI ont le plus besoin de soutien que ce soutien leur est implacablement retiré. »

Dans ce climat ultra-politisé, la présence d’Eros ne fait qu’ajouter à la tension. L’Inter-LGBT prévient : si le point fixe est maintenu dans le périmètre, « la Marche ne partira pas. Ce serait une ligne rouge franchie. » De son côté, Eros assume : « Notre homosexualité n’a pas à passer par les codes d’une gauche ultra. On ne veut pas des slogans pro-Hamas, ni des mots d’ordre qui confondent orientation sexuelle et idéologie. »

L’Inter-LGBT, qui organise la Marche depuis 2001, rejette catégoriquement cette présence. « Ce collectif est raciste, transphobe et réactionnaire. Il n’a pas sa place dans notre cortège », martèle Clara Privé, vice-présidente. Pour elle, laisser Eros se joindre à l’événement créerait « un précédent dangereux ».

Dans une tribune publiée dans Le Monde, plus de 300 personnalités – artistes, activistes, élus – alertent sur « une tentative d’infiltration ». Parmi elles : Virginie Despentes, Bilal Hassani, le communiste Ian Brossat. La maire de Paris Anne Hidalgo a elle aussi exprimé sa solidarité avec l’Inter-LGBT.

Les tensions dépassent le cadre militant. La préfecture, tout en restant silencieuse, craint des affrontements entre cortèges. Des voix à gauche appellent à l’interdiction pure et simple de la présence d’Eros. À droite, Bruno Retailleau dénonce « l’hystérie d’une gauche sectaire qui veut contrôler la parole et les corps ».

Au-delà du simple conflit interne à la communauté LGBT+, c’est une fracture culturelle qui s’expose au grand jour : celle entre une vision identitaire, militante, internationaliste… et une tentative d’appropriation « conservatrice » des luttes sexuelles. La Pride, traditionnellement festive et fédératrice, devient le théâtre d’une guerre des représentations.

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