Cinq pays européens, dont la France, testent une application pour vérifier l’âge des internautes
Depuis le 14 juillet, une application de vérification de l’âge est expérimentée dans cinq pays européens pour mieux protéger les mineurs en ligne. Une avancée saluée par les associations mais accueillie avec scepticisme chez certains jeunes.
Depuis le 14 juillet, une expérience inédite est lancée dans cinq pays européens : la France, l’Italie, le Danemark, l’Espagne et la Grèce testent une application de vérification de l’âge pour mieux protéger les mineurs en ligne. Cette phase pilote, soutenue par la Commission européenne, repose sur un objectif clair : garantir que les jeunes internautes ne soient pas exposés à des contenus inadaptés ou dangereux, tout en adaptant les fonctionnalités numériques à leur âge.
L’application, gratuite et privée, permet de certifier l’âge d’un utilisateur à l’aide d’un document officiel (carte d’identité, passeport, eID) ou via des tiers de confiance comme les banques ou certains organismes publics. Une fois vérifié, seul l’âge est transmis aux plateformes – aucune autre donnée personnelle n’est conservée. La promesse : une solution intraçable, respectueuse de la vie privée, et construite en open source pour garantir sa transparence. Mais ce système, aussi protecteur soit-il, soulève déjà des débats.
Pour Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance, engagée depuis des années dans la prévention du cyberharcèlement et la protection des jeunes en ligne, il s’agit d’un tournant. « La vérification d’âge, c’est vraiment la clé de voûte de la protection des mineurs pour leur adresser des fonctionnalités spécifiques. On est sur un bon chemin », affirme-t-elle sur franceinfo. Ce dispositif s’inscrit dans les lignes directrices du Digital Services Act (DSA), le nouveau règlement européen sur les services numériques, qui impose désormais aux plateformes de mieux encadrer les usages des jeunes.
Une expérience numérique adaptée à l’âge
Mais l’ambition ne s’arrête pas au simple contrôle d’identité. L’enjeu, pour la Commission européenne, est d’offrir aux mineurs une expérience numérique réellement différente. Une fois leur âge reconnu, les adolescents verront certaines fonctions limitées par défaut : géolocalisation coupée, accès au micro et à la caméra désactivé, lecture automatique de vidéos bloquée. Les notifications nocturnes seront neutralisées pour limiter la fatigue numérique et les interruptions de sommeil.
Les réseaux sociaux seront également contraints d’ajuster leurs fonctionnalités. Les comptes de mineurs seront invisibles pour les inconnus, et les interactions restreintes aux seuls contacts approuvés. Le partage de contenus sera limité : aucune capture d’écran ou téléchargement ne sera possible à partir d’un profil mineur. Même les algorithmes devront revoir leur logique : fin des recommandations basées sur le comportement implicite (comme sur TikTok), seules les préférences déclarées feront foi. Une manière d’éviter les spirales de contenus anxiogènes ou inadaptés, souvent reprochées aux plateformes.
Marc, père de deux adolescents, accueille la nouvelle avec un mélange de soulagement et d’interrogation. « C’est une bonne idée, clairement. Mais je sais que mes enfants sont des petits malins : s’il y a un moyen de contourner le système, ils vont le trouver. »
Les jeunes sceptiques face aux restrictions
Du côté des principaux concernés, la réception est plus nuancée. Lucas, 15 ans, comprend l’objectif de la mesure, mais se montre critique sur certaines modalités : « Je comprends que certains sites soient réservés aux adultes, c’est normal. Mais restreindre les interactions sur les réseaux, c’est abusé. Je suis sur Twitter et franchement, je vois pas comment ça va marcher concrètement. » Une inquiétude partagée par d’autres adolescents, qui redoutent une perte de liberté ou une surveillance déguisée.
Cette tension entre sécurité et autonomie est au cœur du projet. L’objectif est d’accompagner les jeunes dans un usage plus responsable d’internet, mais ces mesures pourraient être contre-productives si elles sont mal expliquées ou imposées sans pédagogie.
La Commission européenne, de son côté, affirme que cette phase de test servira à affiner le dispositif. Les retours des cinq pays volontaires alimenteront les ajustements techniques, avant une possible généralisation à l’échelle de l’Union. Chaque État membre pourra alors choisir d’intégrer (ou non) l’application à ses outils existants, en fonction de son propre cadre juridique. Mais la volonté d’implémenter ce dispositif est clairement assumée chez Clara Chappaz, ministre française chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique.
Reste à convaincre les jeunes et leurs parents de l’efficacité – et de l’utilité – de ce nouvel outil.
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