Justin Trudeau : Le Premier ministre canadien démissionne
Son impopularité n’était plus un secret. Après près de dix ans à la tête du gouvernement et plusieurs mois de crise politique, le ministre progressiste démissionne et laissera sa place à l’issue des élections du Parti libéral.
« J’ai toujours été un combattant car je me soucie profondément de ce qui est dans le plus grand intérêt des canadiens. Et le fait est que, malgré tous mes efforts pour dépasser cette crise, le parlement est paralysé depuis des mois ». Hier soir, sur le parvis de sa résidence du Rideau Cottage à Ottawa, Justin Trudeau s’apprêtait à officialiser un bruit de couloir circulant depuis sa perte de la majorité au parlement : « J’ai eu l’occasion de réfléchir, et c’est pourquoi j’ai l’intention de démissionner de mon poste de chef du parti libéral et de Premier ministre ».
Les derniers mois de crise auront signé la fin de l’ère Trudeau. Des démissions, des retraits de soutiens précieux au sein du parlement, mais aussi des années de politiques progressistes aujourd’hui reprochées auront scellé son sort. À deux jours de la réunion nationale du Parti libéral, le ministre de 53 ans laissera ainsi la place à « quelqu’un qui saura être optimiste, avec les bonnes réponses ».
Qui l’aura fait tomber ?
Ces derniers mois, la politique canadienne avait été régulièrement agitée. Le 16 décembre dernier, Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances, avait quitté ses fonctions, quelques heures avant la présentation prévue de l’énoncé économique du gouvernement, indiquant que le Premier ministre lui aurait demandé de quitter son poste de ministre des Finances. Ce dernier lui demandant d’occuper un autre rôle au sein du cabinet, Freeland n’a su voir cette proposition autrement que comme une « perte de confiance » de Justin Trudeau. Chrystia Freeland avait également exprimé son désaccord avec certaines options gouvernementales, notamment des mesures qu’elle considérait comme des « artifices politiques coûteux ». Référence à des propositions telles que des chèques de 250 $ destinés aux Canadiens gagnant moins de 150 000 $ par an, une idée du Premier ministre.
Au-delà même d’une personnalité politique, la démission de la vice-première ministre avait exacerbé les tensions internes au sein du Parti libéral. Des désaccords sur la gestion économique, et les réponses aux menaces de tarifs douaniers de la future administration Trump ont accentué les divisions. Ces différends ont conduit à une perte de confiance envers le leadership de Trudeau, et des appels croissants en faveur d’un changement à la tête du parti.
En dehors de sa famille politique, Trudeau paie aujourd’hui sa baisse de popularité. Qu’est devenu le jeune ministre séduisant, souriant, progressiste que le Canada aimait tant ?
Le politicien a hérité longtemps de la bonne image de son père, Pierre Elliott Trudeau, ancien Premier ministre et figure politique canadienne influente. Mais des prises de positions très progressistes, pro-immigration, lui sont aujourd’hui reprochées : l’inflation de 2% par an depuis 5 ans, et la crise du logement que traverse difficilement le Canada auront été de véritables boulets au pied du ministre. Les récents scandales et la perception d’une mauvaise gestion économique auront entraîné une chute significative de la popularité de Trudeau et du Parti libéral dans les sondages.
L’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis a ravivé les tensions commerciales : le businessman menace d’augmenter les taxes sur les produits canadiens à 25%. L’habile diplomatie que le jeune ministre avait mis en place durant le premier mandat de Trump n’aura pas satisfait l’appétit protectionniste de l’homme d’affaire : Trudeau laisse à un autre ministre la difficile scission qui pourrait s’opérer avec les États-Unis.
Qui pourrait reprendre les rênes du pouvoir ?
Face à cette crise politique, et le rejet apparent du progressisme à la Trudeau, le conservateur Pierre Poilievre a lui le vent en poupe. Incarnant une alternative claire aux politiques libérales des dernières années, Poilievre s’est imposé comme une figure majeure de l’opposition, séduisant une base électorale lassée par les scandales et les défis économiques croissants. Son discours axé sur la liberté individuelle, la réduction des dépenses publiques et la lutte contre l’inflation résonne particulièrement auprès des classes moyennes. Le vent populiste pourrait-il souffler sur le Canada ?

Si le premier ministre démissionnaire Justin Trudeau accuse une série d’échecs fatale, la vision du Canadien, la popularité qui fut la sienne par le passé, et la renommée de sa famille laisse imaginer un possible retour, à l’instar de son père. S’il paie le prix de mauvaises décisions notamment sur le plan social, le politicien subit certainement aussi une crise économique et identitaire occidentale.
Godefroy Pouch
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